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LE MOUTON

quelque espérance, et dit qu’elle avait moins de peur des ombres, puisqu’elles devaient revivre un jour. Hélas ! continua-t-elle, si ma pauvre Patypata, ma chère Grabugeon et le joli Tintin, qui sont morts pour me sauver, pouvaient avoir un sort semblable, je ne m’ennuirais plus ici.

Malgré la disgrâce du roi Mouton, il ne laissait pas d’avoir des privilèges admirables. Allez, dit-il à son grand écuyer (c’était un mouton de fort bonne mine), allez quérir la mauresse, la guenuche et le doguin, leurs ombres divertiront notre princesse. Un instant après, Merveilleuse les vit, et quoiqu’ils ne l’approchassent pas d’assez près pour en être touchés, leur présence lui fut d’une consolation infinie.

Le roi Mouton avait tout l’esprit et toute la délicatesse qui pouvait former d’agréables conversations. Il aimait si passionnément Merveilleuse qu’elle vint aussi à le considérer, et ensuite à l’aimer. Un joli mouton, bien doux, bien caressant ne laisse pas de plaire, surtout quand on sait qu’il est roi, et que la métamorphose doit finir. Ainsi la princesse passait doucement ses beaux jours, attendant un sort plus heureux. Le galant mouton ne s’occupait que d’elle ; il faisait des fêtes, des concerts, des chasses ; son troupeau le secondait, jusqu’aux ombres, elles y jouaient leur personnage.

Un soir que les courriers arrivèrent, car il envoyait soigneusement aux nouvelles, et il en savait toujours des meilleures, on vint lui dire que la sœur aînée de la princesse Merveilleuse allait épouser un grand prince, et que rien n’était plus magnifique que tout ce qu’on préparait pour les noces. — Ah ! s’écria la jeune princesse, que je