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FINETTE CENDRON.

en elle-même : Quand il ira à la chasse, je les mangerai, et je lui dirai qu’elles se sont sauvées.

L’ogre sortit de la cave, il lui dit de les mener devant lui ; les pauvres filles étaient presque mortes de peur : l’ogresse les rassura ; et quand il les vit, il leur demanda ce qu’elles savaient faire. Elles répondirent qu’elles savaient balayer, qu’elles savaient coudre et filer à merveille, qu’elles faisaient de si bons ragoûts, que l’on mangeait jusqu’aux plats ; que pour du pain, des gâteaux et des pâtés, l’on en venait chercher chez elles de mille lieues à la ronde. L’ogre était friand, il dit : Çà, çà, mettons vite ces bonnes ouvrières en besogne. Mais, dit-il à Finette, quand tu as mis le feu au four, comment peux-tu savoir s’il est assez chaud ? — Monseigneur, répliqua-t-elle, j’y jette du beurre, et puis j’y goûte avec la langue. — Eh bien, dit-il, allume donc le four. Ce four était aussi grand qu’une écurie, car l’ogre et l’ogresse mangeaient plus de pain que deux armées. La princesse y fit un feu effroyable, il était embrasé comme une fournaise, et l’ogre qui était présent, attendant le pain tendre, mangea cent agneaux et cent petits cochons de lait. Fleur-d’Amour et Belle-de-Nuit accommodaient la pâte. Le maître ogre dit : Hé bien, le four est-il chaud ? Finette répondit : « Monseigneur, vous l’allez voir. » Elle jeta devant lui mille livres de beurre au fond du four, et puis elle dit : Il faut tâter avec la langue, mais je suis trop petite. — Je suis grand, dit l’ogre, et se baissant, il s’enfonça si avant qu’il ne pouvait plus se retirer, de sorte qu’il brûla jusqu’aux os. Quand l’ogresse vint au four, elle demeura bien étonnée