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FINETTE CENDRON.

de trouver une montagne de cendre des os de son mari.

Fleur-d’Amour et Belle-de-Nuit, qui la virent fort affligée, la consolèrent de leur mieux ; mais elles craignaient que sa douleur ne s’apaisât trop tôt, et que l’appétit lui venant, elle ne les mît en salade, comme elle avait déjà pensé faire. Elles lui dirent : Prenez courage, madame, vous trouverez quelque roi ou quelque marquis, qui seront heureux de vous épouser. Elle sourit un peu, montrant des dents plus longues que le doigt. Lorsqu’elles la virent de bonne humeur, Finette lui dit : Si vous vouliez quitter ces horribles peaux d’ours, dont vous êtes habillée, vous mettre à la mode, nous vous coifferions à merveille, vous seriez comme un astre. — Voyons, dit-elle, comme tu l’entends ; mais assure-toi que, s’il y a quelques dames plus jolies que moi, je te hacherai menu comme chair à pâté. Là-dessus les trois princesses lui ôtèrent son bonnet, et se mirent à la peigner et la friser en l’amusant de leur caquet. Finette prit une hache, et lui donna par derrière un si grand coup, qu’elle sépara son corps d’avec sa tête. Il ne fut jamais une telle allégresse ; elles montèrent sur le toit de la maison pour se divertir à sonner les clochettes d’or ; elles furent dans toutes les chambres, qui étaient de perles et de diamants, et les meubles si riches qu’elles mouraient de plaisir ; elles riaient et chantaient, rien ne leur manquait, du blé, des confitures, des fruits et des poupées en abondance. Fleur-d’Amour et Belle-de-Nuit se couchèrent dans des lits de brocart et de velours, et s’entre-dirent : Nous voilà plus riches que n’était notre père quand il avait son royaume ; mais il nous manque