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LA PRINCESSE ROSETTE.

plus belle robe. Mais elle était avec ses ajustements plus laide qu’une guenon ; ses cheveux d’un noir gras, les yeux de travers, les jambes tortues, une grosse bosse au milieu du dos, de méchante humeur et maussade, qui grognait toujours.

Quand tous les gens du roi des paons la virent sortir du bateau, ils demeurèrent si surpris, qu’ils ne pouvaient parler. Qu’est-ce que cela ? dit-elle. Est-ce que vous dormez ? Allons, allons, que l’on m’apporte à manger ; vous êtes de bonnes canailles, je vous ferai tous pendre. À cette nouvelle ils se disaient : Quelle vilaine bête ! Elle est aussi méchante que laide. Voilà notre roi bien marié, je ne m’étonne point ; ce n’était pas la peine de la faire venir du bout du monde. Elle faisait toujours la maîtresse ; et pour moins que rien, elle donnait des soufflets et des coups de poing à tout le monde.

Comme son équipage était fort grand, elle allait doucement : elle se carrait comme une reine dans son carrosse. Mais tous les paons qui s’étaient mis sur les arbres pour la saluer en passant, et qui avaient résolu de crier : Vive la belle reine Rosette ; quand ils l’àperçurent si horrible, ils criaient : Fi, fi, qu’elle est laide ! Elle enrageait de dépit, et disait à ses gardes : Tuez ces coquins de paons qui me chantent injures. Les paons s’envolaient bien vite, et se moquaient d’elle.

Le fripon de batelier qui voyait tout cela, disait tout bas à la nourrice : Commère, nous ne sommes pas bien ; votre fille devrait être plus jolie. Elle lui répondit : Tais-toi, étourdi, tu nous porteras malheur.