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LA PRINCESSE ROSETTE.

gea : Frétillon ne les aimait guère, il fallut pourtant bien qu’il s’en nourrit. Quand la nuit venait, la grande peur prenait à Rosette ; et elle disait à son chien : Frétillon, jappe toujours, de crainte que les soles ne nous mangent.

Il avait jappé toute la nuit, et le lit de la princesse n’était pas bien loin du bord de l’eau. En ce lieu-là il y avait un bon vieillard qui vivait tout seul dans une petite chaumière, où personne n’allait jamais : il était fort pauvre, et ne se souciait pas des biens du monde. Quand il entendit japper Frétillon, il fut tout étonné ; il crut que quelques voyageurs se seraient égarés, et sortit pour les remettre charitablement dans leur chemin. Tout d’un coup il aperçut la princesse et Frétillon qui flottaient sur la mer ; et la princesse le voyant, lui cria : Bon vieillard, sauvez-moi, car je périrai ici ; il y a deux jours que je languis.

Lorsqu’il l’entendit parler si tristement, il en eut grande pitié, et rentrà dans sa maison pour prendre un long crochet. Il s’avança dans l’eau jusqu’au cou, et pensa deux ou trois fois être noyé ; enfin il tira tant, qu’il amena le lit jusqu’au bord de l’eau. Rosette et Frétillon furent bien-aises d’être sur la terre ; elle remercia bien fort le bonhomme, et prit sa couverture, dont elle s’enveloppa ; puis toute nu-pieds elle entra dans la chaumière, où il lui alluma un petit feu de paille sèche, et tira de son coffre le plus bel habit de feu sa femme, avec des bas et des souliers, dont la princesse s’habilla. Ainsi vêtue en paysanne, elle était belle comme le jour.

Le vieillard voyait bien que Rosette était quelque grande dame car les couvertures de son lit étaient toutes d’or