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L’OISEAU BLEU.

qui la craignent ne la voient que trop tôt ; je la désire, et la cruelle me fuit. Ah ! reine cruelle, que t’ai-je fait pour me retenir dans une captivité si affreuse ?

L’Oiseau Bleu n’avait pas perdu un mot de cette plainte.

L’Oiseau curieux ne manqua pas de revenir la nuit suivante ; il faisait clair de lune ; il vint une fille à la fenêtre de la tour qui commençait ses regrets. L’Oiseau Bleu écoutait, et plus il écoutait, plus il se persuadait que c’était son aimable princesse qui se plaignait. Il lui dit : Florine, pourquoi voulez-vous finir si promptement vos jours ? — Eh ! qui me parle, s’écria-t-elle, d’une manière si consolante ? — Un roi malheureux, reprit l’Oiseau, qui n’aimera jamais que vous. En achevant ces mots, il vola sur la fenêtre. Florine eut d’abord grande peur d’un oiseau si extraordinaire, qui parlait avec autant d’esprit que s’il avait été homme ; mais la beauté de son plumage et ce qu’il lui dit la rassura. Et qui êtes-vous, charmant oiseau ? dit la princesse en le caressant. — Vous avez dit mon nom, ajouta le roi, et vous feignez de ne me pas connaître. — Quoi ! le roi Charmant, dit la princesse, serait le bel oiseau que je tiens ? — Hélas ! belle Florine, il n’est que trop vrai, reprit-il ; et si quelque chose m’en peut consoler, c’est que j’ai préféré cette peine à celle de renoncer à la passion que j’ai pour vous. — Pour moi ? dit Florine. Ah ! ne cherchez point à me tromper ! Je sais, je sais que vous avez épousé Truitonne ; j’ai reconnu votre anneau à son doigt ; je l’ai vue toute brillanté des diamants que vous lui avez donnés : elle est venue m’insulter dans ma triste prison, chargée d’une riche couronne et d’un manteau