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LA BELLE AUX CHEVEUX D’OR.

rir. Avenant en eut pitié, il fut la prendre ; et la remit doucement dans la rivière. Dès que ma commère la carpe sentit la fraîcheur de l’eau, elle commence à se réjouir et se laisse couler jusqu’au fond ; puis revenant toute gaillarde au bord de la rivière : Avenant, dit-elle, je vous remercie du plaisir que vous venez de me faire ; sans vous je serais morte, et vous m’avez sauvée : je vous le revaudrai. Après ce petit compliment, elle s’enfonça dans l’eau, et Avenant demeura bien surpris de l’esprit et de la grande civilité de la carpe.

Un autre jour qu’il continuait son voyage, il vit un corbeau bien embarrassé : ce pauvre oiseau était poursuivi par un gros aigle ; il était près de l’attraper, et il l’aurait avalé comme une lentille, si Avenant n’eût eu compassion de cet oiseau ; puis mirant bien l’aigle, croc, il lui décoche une flèche dans le corps, et le perce de part en part ; il tombe mort, et le corbeau ravi vint se percher sur un arbre : Avenant, lui dit-il, vous êtes bien généreux de m’avoir secouru, moi qui ne suis qu’un misérable corbeau ; mais je n’en demeurerai point ingrat, je vous le revaudrai.

Avenant admira le bon esprit du corbeau, et continua son chemin. Un jour, en entrant dans un grand bois, si matin qu’il ne voyait qu’à peine à se conduire, il entendit un hibou qui criait en désespéré ; il chercha de tous côtés, et enfin il trouva de grands filets que des oiseleurs avaient tendus la nuit ; il tira son couteau et coupa les cordelettes. Le hibou prit l’essor ; mais revenant à tire d’ailes : Avenant, dit-il, j’étais pris, j’étais mort sans votre secours ; j’ai le cœur reconnaissant, je vous le revaudrai.