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LA CHATTE BLANCHE.

de lustres, de girandoles, et de gradins couverts de bougies ; enfin la magnificence était telle, qu’il n’était pas aisé de croire que ce fut une chose possible.

Après avoir passé dans soixante chambres, les mains qui le conduisaient l’arrêtèrent ; il vit un grand fauteuil, qui s’approcha tout seul de la cheminée. En même temps le feu s’alluma, et les mains qui lui semblaient fort belles, blanches, petites, grassettes, et bien proportionnées, le déshabillèrent ; car il était mouillé, comme je l’ai déjà dit, et l’on avait peur qu’il ne s’enrhumât. On lui présenta, sans qu’il vît personne, une chemise aussi belle que pour un jour de noces, avec une robe de chambre d’une étoffe glacée d’or, brodée de petites émeraudes, qui formaient des chiffres. Les mains, sans corps, approchèrent de lui une table, sur laquelle sa toilette fut mise. Rien n’était plus magnifique ; elles le peignèrent avec une légèreté et une adresse dont il fut fort content. Ensuite on le rhabilla, mais ce ne fut pas avec ses habits, on lui en apporta de beaucoup plus riches. Il admirait silencieusement tout ce qui se passait.

Après qu’on l’eut poudré, frisé, parfumé, paré, ajusté, et rendu plus beau qu’Adonis, les mains le conduisirent dans une salle superbe par ses dorures et ses meubles. On voyait autour l’histoire des plus fameux chats ; Rodillardus pendu par les pieds au conseil des rats, Chat botté, marquis de Carabas, le Chat qui écrit, la Chatte devenue femme, les Sorciers devenus chats, le sabbat et toutes ses cérémonies ; enfin rien n’était plus singulier que ces tableaux.