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LA CHATTE BLANCHE.

Hé bien, fils de roi, lui dit-elle, te voilà donc encore revenu sans couronne ? Madame, répliqua-t-il, vos bontés m’avaient mis en état de la gagner ; mais je suis persuadé que le roi aurait plus de peine à s’en défaire que je n’aurais de plaisir à la posséder. N’importe, dit-elle, il ne faut rien négliger pour la mériter, je te servirai dans cette occasion ; et puisqu’il faut que tu mènes une belle fille à la cour de ton père, je t’en chercherai quelqu’une qui te fera gagner le prix.

Rien ne s’écoule plus vite que des jours qui se passent sans peine et sans chagrin ; et si la Chatte n’avait pas été soigneuse de se souvenir du temps qu’il fallait retourner à la cour, il est certain que le prince aurait laissé passer l’année sans s’en inquiéter. Elle l’avertit la veille qu’il ne tiendrait qu’à lui d’emmener une des plus belles princesses qui fût dans le monde, que l’heure de détruire le fatal ouvrage des fées était à la fin arrivée, et qu’il fallait pour cela qu’il se résolût à lui couper la tête et la queue, qu’il jetterait promptement dans le feu. Moi, s’écria-t-il, je serais assez barbare pour vous tuer ? Ha ! vous voulez sans doute éprouver mon cœur, mais soyez certaine qu’il n’est point capable de manquer à l’amitié et la reconnaissance qu’il vous doit.

Non, fils de roi, continua-t-elle, je ne te soupçonne d’aucune ingratitude. Fais ce que je souhaite, nous commencerons l’un et l’autre d’être heureux, et tu connaîtras, foi de Chatte de bien et d’honneur, que je suis véritablement ton amie.

Le prince dit tout ce qu’il put imaginer de plus tendre, pour qu’elle l’en dispensât ; elle répondait opiniâtrément