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LA CHATTE BLANCHE.

qu’il ne m’arriverait aucun accident. Elle s’apaisa, bien qu’il lui fut très douloureux de me perdre pour si longtemps ; et d’en être la seule cause ; car si elle n’avait pas voulu manger les fruits du jardin, je serais demeurée dans le royaume de mon père, et je n’aurais pas eu tous les déplaisirs qui me restent à vous raconter.

Sachez donc, fils de roi, que mes gardiennes avaient bâti exprès une tour, dans laquelle on trouvait mille beaux appartements pour toutes les saisons de l’année, des meubles magnifiques, des livres agréables, mais il n’y avait point de porte, et il fallait toujours entrer par les fenêtres, qui étaient prodigieusement hautes. L’on trouvait un beau jardin sur la tour, orné de fleurs, de fontaines et de berceaux de verdure. Ce fut en ce lieu que les fées m’élevèrent avec des soins qui surpassaient tout ce qu’elles avaient promis à la reine. Elles m’apprenaient tout ce qui convenait à mon âge et à ma naissance, et comme je n’avais jamais vu qu’elles, je serais demeurée tranquille dans cette situation le reste de ma vie.

Elles venaient toujours me voir, montées sur le dragon dont j’ai déjà parlé ; elles me nommaient leur fille et je croyais l’être. Personne au monde ne restait avec moi dans la tour, qu’un perroquet et un petit chien qu’elles m’avaient donnés pour me divertir, car ils parlaient à merveille.

Un des côtés de la tour était bâti sur un chemin creux, plein d’ornières et d’arbres qui l’embarrassaient ; de sorte que je n’y avais aperçu personne depuis qu’on m’avait enfermée. Mais un jour, comme j’étais à la fenêtre, cau-