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LE RAMEAU D’OR

Pour la princesse Trognon, elle arriva dans une petite machine qui n’avait qu’une coudée de haut, et la machine était dans une litière. Le roi Brun alla au-devant d’elle : lorsqu’il la vit si difforme, dans une jatte, la peau écaillée comme une morue, les sourcils joints, le nez plat et large, et la bouche proche des oreilles, il ne put s’empêcher de lui dire :

— En vérité, princesse Trognon, vous êtes gracieuse, de mépriser mon Torticoli ; sachez qu’il est bien laid, mais sans mentir, il l’est moins que vous. — Seigneur, lui dit-elle, je n’ai pas assez d’amour-propre pour m’offenser des choses désobligeantes que vous me dites : je ne sais cependant si vous croyez que ce soit un moyen sûr pour me persuader d’aimer votre charmant Torticoli ; mais je vous déclare, malgré ma misérable jatte, et les défauts dont je suis remplie, que je ne veux point l’épouser ; et que je préfère le titre de princesse Trognon, à celui de reine Torticoli.

Le roi Brun s’échauffa fort de cette réponse. Je vous assure, dit-il, que je n’en aurai pas le démenti ; le roi votre père doit être votre maître, et je le suis devenu depuis qu’il vous a mise entre mes mains. — Il est des choses, dit-elle, sur lesquelles nous pouvons opter ; c’est en dépit de moi qu’on m’a conduite ici, je vous en avertis ; et je vous regarderai comme mon plus mortel ennemi, si vous me faites violence. Le roi encore plus irrité la quitta, et lui donna un appartement dans son palais, avec des dames, qui avaient ordre de lui persuader que le meilleur parti à prendre, pour elle, était d’épouser le prince.

Cependant les gardes, qui craignaient d’être découverts,