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LA BONNE PETITE SOURIS.

bien petite et bien pauvrement meublée. Elle était couchée par terre, sur un matelas qui ne valait pas deux sous, où elle pleurait jour et nuit.

La fée en la voyant fut attendrie ; elle lui fit la révérence, et lui dit tous bas en l’embrassant : Prenez courage, madame, vos malheurs finiront ; j’espère y contribuer. La reine, un peu consolée de ces paroles, la caressait, et la priait d’avoir pitié d’une pauvre princesse qui avait joui d’une grande fortune, et qui s’en voyait bien éloignée. Elles parlaient ensemble, quand le méchant roi dit : Allons, point tant de compliments ; je vous ai amenée ici pour me dire si cette esclave sera mère d’un garçon ou d’une fille. La fée répondit : « Elle sera mère d’une fille, qui sera la plus belle princesse et la mieux apprise que l’on ait jamais vue. Elle lui souhaita ensuite des biens et des honneurs infinis. — Si elle n’est pas belle et bien apprise, dit le méchant roi, je la pendrai au cou de sa mère, et sa mère à un arbre, sans que rien m’en puisse empêcher. Après cela il sortit avec la fée, et ne regarda pas la bonne reine, qui pleurait amèrement ; car elle disait en elle-même : Hélas ! que ferai-je ? Si j’ai une belle petite fille, il la donnera à son magot de fils ; et si elle est laide, il nous pendra toutes deux. À quelle extrémité suis-je réduite ? Ne pourrai-je point la cacher quelque part, afin qu’il ne la vît jamais ? Le temps que la petite princesse devait venir au monde approchait, et les inquiétudes de la reine augmentaient : elle n’avait personne avec qui se plaindre et se consoler. Le geôlier qui la gardait, ne lui donnait que trois pois cuits dans l’eau pour toute la journée, avec un petit morceau