Page:Aulnoy - Les contes choisis, 1847.djvu/85

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
61
LA BONNE PETITE SOURIS.

confitures. En vérité, dit-elle, un bienfait n’est jamais perdu. Elle mangea un peu, mais son appétit était passé à force de jeûner. Elle jeta du bonbon à la souris, qui le grignota encore, et puis elle se mit à sauter mieux qu’avant le souper.

Le lendemain matin le geôlier apporta de bonne heure les trois pois de la reine, qu’il avait mis dans un grand plat pour se moquer d’elle ; la petite souris vint doucement, et les mangea tous trois, et le pain aussi. Quand la reine voulut dîner, elle ne trouva plus rien ; la voilà bien fâchée contre la souris. C’est une méchante petite bête, disait-elle, si elle continue, je mourrai de faim. Comme elle voulut couvrir le grand plat qui était vide, elle trouva dedans toutes sortes de bonnes choses à manger : elle en fut bien aise, et mangea ; mais en mangeant, il lui vint dans l’esprit que le méchant roi ferait peut-être mourir dans deux ou trois jours son enfant, et elle quitta la table pour pleurer ; puis elle disait, en levant les yeux au ciel : Quoi ! n’y a-t-il point quelque moyen de se sauver ? En disant cela, elle vit la petite souris qui jouait avec de longs brins de paille ; elle les prit, et commença de travailler avec. Si j’ai assez de paille, dit-elle, je ferai une corbeille couverte pour mettre ma petite fille, et je la donnerai par la fenêtre à la première personne charitable qui voudra en avoir soin.

Elle se mit donc à travailler de bon courage ; la paille ne lui manquait point, la souris en traînait toujours par la chambre où elle continuait de sauter ; et aux heures des repas, la reine lui donnait ses trois pois, et trouvait en échange cent sortes de ragoûts. Elle en était bien éton-