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AULU-GELLE


et contre l'erreur, on n'a ni loisir ni même la pensée de faire entendre des acclamations bruyantes et prolongées; l'auditeur, quel qu'il soit, à moins toutefois que ce ne soit un homme profondément corrompu, en entendant les paroles du philosophe, gardera un profond silence, frémira et rougira intérieurement de ses fautes ; il se repentira, se réjouira tour à tour ; son visage reproduira les émotions diverses de son âme, émotions que le philosophe fera naître dans sa conscience en touchant aux parties saines ou malades de son âme. D'ailleurs, disait encore Musonius, ce qui est digne des plus grands éloges inspire l'admiration ; or, l'on sait que l'admiration portée à un très-haut degré ne se manifeste que par le silence, et non par la parole. C'est pourquoi le plus habile des poètes, après qu'Ulysse a raconté ses malheurs avec tant d'éloquence, ne dit point que les auditeurs, à la fin du récit, s'agitèrent, applaudirent et firent entendre de bruyantes acclamations ; tout au contraire, ils gardent le silence, immobiles, saisis d'étonnement, comme si la puissance magique qui charme leurs oreilles pénétrait jusqu'à leur langue, et la paralysait.

Ainsi parla Ulysse, et dans le palais qu'enveloppait déjà l'ombre de la nuit, tous les assistants, charmés de ses paroles, demeuraient en silence.