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AU SPITZBERG.

jeunes femmes de sa société parlaient anglais, et une conversation assez suivie put s’établir entre nous. Au premier abord, ces dames m’examinaient d’un air curieux dont je ne comprenais pas le motif ; il me fut expliqué quand l’une d’elles m’apprit qu’avant moi aucune Parisienne n’était venue à Drontheim ; j’étais plus qu’une rareté ; j’étais une nouveauté.

À quatre heures et demie, on apporta sur des plateaux des liqueurs, des épices et quelques salaisons ; chaque convive fit honneur à ce prologue de repas, puis on passa dans la salle à manger, où était dressée une table de quarante couverts. Le service se fit à la russe, c’est-à-dire sans qu’aucun plat fût posé sur la table chargée de fleurs artificielles, de cristaux et d’argenterie. De grandes corbeilles d’argent pleines d’oranges, occupant les deux bouts de la table, constituaient une véritable magnificence gastronomique, les ananas étant beaucoup plus communs à Paris que les oranges à Drontheim. Au moment où je prenais place près de lui, M. Riss m’offrit un gros bouquet de muguet blanc, et je fus très sensible à cette aimable attention de mon hôte ; mon voisin de droite me demanda alors si je ne trouvais pas bien étonnant de voir un si gros bouquet de cette petite fleur, si difficile à faire pousser en serre. J’admirai, à son exemple, me gardant de lui dire que cette fleur si précieuse à Drontheim se foule aux pieds dans les bois de France, et nous paraît si commune au printemps, que nous oublions trop combien elle est charmante.

Je me méfiais des cuisiniers de la métropole du Nord ; pourtant je n’osai refuser dès le début, et en si bonne compagnie. Je me laissai servir du potage.