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AU SPITZBERG.

le billot, et y pose la tête sans pâlir. À ce moment un aide de camp du roi fend la foule, élève en l’air un pli cacheté du sceau royal et s’écrie : Grâce à Schumacker !

La peine capitale était commuée en une prison perpétuelle ; le faible Christian V n’avait pas voulu. imiter jusqu’au bout le faible Louis XIII, et peut-être la tête sanglante de Cinq-Mars avait-elle préservé la tête de Schumacker.

Enfermé dans la sombre forteresse de Monkholm, Schumacker, qui avait sondé l’abîme des vanités de ce monde, ne tourna plus son esprit que vers les choses éternelles. On le vit pendant de longues années se promener silencieusement dans le petit jardin de Monkholm, et là, les yeux fixés sur la vaste mer, sur les cieux infinis, il traduisait les psaumes de David en vers danois. Cette parole du roi-prophète : La voix de l’Éternel brise les cèdres mêmes, l’homme puissant n’échappe point par sa grande force, semblait d’autant plus vraie, commentée par ce grand ambitieux ; et cette autre : Bienheureux est l’homme à qui Dieu n’impute pas son iniquité, béni est celui dont la transgression est pardonnée, devait s’imprégner d’une nouvelle douceur pour ce prisonnier qui avait si noblement remplacé l’orgueil du puissant par la résignation du croyant.

Schumacker mourut à Drontheim, après avoir supporté vingt-trois années d’une captivité rigoureuse.

Aujourd’hui Monkholm a beaucoup perdu de sa physionomie monumentale ; la grosse tour de la forteresse se tient seule debout ; ses épaisses murailles