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VOYAGE D’UNE FEMME

sont encore intactes, mais les escaliers ont croulé, les planchers ont fléchi sous l’effort du temps, et l’étroite fenêtre de la chambre de Griffenfeld n’est plus accessible qu’aux oiseaux du ciel.

Tous les autres corps de logis de la forteresse ont été convertis en casemates et abritent les paisibles boulets de la Norwége. Un phare utile aux matelots a été construit à l’endroit où était le banc favori de l’illustre prisonnier.

De la plate-forme de ce phare, on découvre un horizon magnifique : à gauche, la grande mer déroule ses larges plaines, et adoucit ses teintes azurées jusqu’à ce qu’elles se confondent avec le ciel, tandis qu’à droite les pilotis des maisons de Drontheim, peints de couleurs vives, lui font une ceinture à raies bariolées ; derrière le port, les petits toits écrasés de la ville s’échelonnent sur des pentes pittoresques, dominés et protégés par la haute cathédrale et par le large vaisseau de la forteresse de Christianstern ; au loin les crêtes aiguës des montagnes du Dovre déchirent çà et là leur rideau de nuages et forment comme les créneaux de l’immense muraille de rochers qui entoure le vallon où est Drontheim.

J’aurais volontiers passé plusieurs heures devant ce vaste tableau ; mais on me pressa beaucoup de retourner à la ville, afin de ne pas manquer une représentation théâtrale extraordinaire qui avait lieu le soir même. Après avoir dîné chez le consul de Danemark, où je retrouvai un grand nombre de mes aimables convives de la veille, je me laissai conduire au théâtre. Je n’y restai pas une demi-heure.