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VOYAGE D’UNE FEMME

ques années, de riches marchands de Copenhague me chargèrent de proposer à quelques familles de nos paysans côtiers de venir s’établir en Danemark pour exercer leur industrie de saleurs de poisson ; je fis en vain valoir auprès d’eux les avantages pécuniaires qu’on leur offrait et les charmes d’un climat bien doux comparé à celui d’ici ; tous refusèrent de quitter ces horribles coins de terre stérile qu’ils appellent leur patrie. »

En écoutant le capitaine, je me demandais quel sentiment profond et inexplicable attache l’homme au lieu où il est né. Existe-t-il une sorte de sympathie mystérieuse entre son cœur et les premiers objets qui ont frappé sa vue ? D’où vient que les plus grossiers préfèrent leurs souvenirs à leur bien être ? Ô toute-puissance de l’âme, n’est-ce point là une de tes manifestations les plus touchantes ?…

Je ne vous dirai pas les noms de tous les petits havres où nous abordions chaque jour : ils sont inconnus et inutiles à connaitre ; je ne vous ferai pas de description sur chacun, car en dépeindre un c’est les décrire tous. Notre premier mouillage vous donne une idée complète de tous les autres ; la seule différence des aspects était celle-ci : parfois les maisons étaient grises au lieu d’être rouges, et puis leur nombre variait de trois à dix ; du reste, pour horizon, toujours les mêmes rochers, et pour premiers plans, toujours les mêmes récifs. On ne saurait rien imaginer de plus tristement monotone. Le troisième jour de notre navigation, je fus tout heureuse d’apercevoir un changement à notre invariable décoration : nous passâmes devant une montagne qu’un jeu de la na-