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AU SPITZBERG.

La rade de Drontheim nous fit de très-méchants adieux ; nous la quittâmes par un froid vif et une bise très-piquante ; la mer déferlait violemment contre les récifs tout autour de nous, et posait un panache d’écume blanche sur leurs têtes de pierre.

Au bout de quelques heures de navigation, la brume devint épaisse au point de nous empêcher de manœuvrer ; nous étions dans une atmosphère de ouate grise : c’était à ne pouvoir respirer ; on jeta l’ancre, et nous restâmes pendant six heures dans une petite baie, rudement secoués, quoique au mouillage.

À l’aube, quelques rayons d’un jour terne filtrèrent à travers le brouillard, et je pus regarder la côte près de laquelle nous avions trouvé un abri. Je vis quatre chétives cabanes de bois, peintes en rouge sang de bœuf, couvertes en gazon, entourées de hangars où séchaient quelques poissons. Immédiatement derrière les maisons s’élevait un grand rocher gris, marbré çà et là de quelques plaques de neige salies par un commencement de dégel ; ces pauvres masures étaient resserrées entre la mer toujours furieuse et les mamelons toujours arides, comme entre deux obstacles infranchissables qui les isolaient du reste du monde.

« Quelle horrible situation ! dis-je au capitaine du bateau, qui parlait très-bien anglais et avec lequel j’avais lié conversation ; comment des hommes peuvent-ils vivre dans un pareil lieu ?

— Non-seulement ils y vivent, me répondit-il, mais ils refusent de le quitter ; ces pauvres pêcheurs du Finmark sont très-attachés à leur pays. Il y a quel-