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AU SPITZBERG.

lue, comme on l’acclame, comme chaque petit port hisse vite son drapeau neuf quand il paraît, comme toute femme vide ses tiroirs pour lui rendre visite !… Pour une Norwégienne d’une position aisée, le bateau représente encore plus que tout cela : il permet le luxe suprême, si longtemps impossible, d’un voyage d’agrément. Toutes les élégantes du Nordland réservent leur toilette pour cette époque, et Dieu sait ce qu’on peut économiser ou fabriquer de belles choses en une année ! On en économise tant qu’on en a trop, et, comme on n’a qu’un jour pour faire voir le soleil à tout cela, ma foi, tant pis, on met tout à la fois ! Je ne voyais autour de moi que robes de soie des nuances les plus gaies, chapeaux roses, écharpes bariolées, cachemires précieux, plumes, blondes, rubans, fleurs, dentelles, marabouts ; et de l’or ! de l’or à profusion : au cou, aux oreilles, à la ceinture, aux doigts, dans les cheveux ! Chaque femme était un mélange de porte-manteau et d’écrin, un trousseau compliqué d’une corbeille. C’était fort original d’ensemble, et cela avait sa couleur locale à soi ; inutile d’ajouter que tous ces costumes avaient la louable prétention d’imiter nos modes. On copie les modes françaises sous toutes les latitudes. Ce qu’on rencontre d’abord dans les coins les plus reculés du globe, c’est une femme habillée à la mode de Paris. Si le coup d’œil de l’artiste est médiocrement satisfait au point de vue pittoresque, l’amour-propre national du touriste a quelque motif d’être flatté. En effet, la suprématie de la France apparaît bien complétement en voyage : nos vêtements, nos livres, nos journaux, nos pièces de théâtre se retrouvent partout ; nous