Page:Aunet - Voyage d’une femme au Spitzberg, 1872.pdf/132

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
120
VOYAGE D’UNE FEMME

la porte entr’ouverte j’eus le mot de mon énigme : le contenu de la carafe était pour un bouquet, un petit mignon bouquet de roses et de géraniums que ce jeune homme soignait depuis Drontheim avec une sollicitude d’amant ou de savant. Le jour du coup de vent, il avait, de peur d’accident, transporté avec lui, sur le pont, son fragile trésor, et il le garantissait de la pluie avec son propre chapeau. Malgré ses précautions, une rose s’était effeuillée dans une secousse, et il en regardait tristement les pétales pâlis, tombés sur un coin de mon manteau.

« Madame, me dit-il en assez bon anglais, ayez la bonté de ne pas remuer, afin que je les ramasse. »

Il les recueillit précieusement et les mit dans une petite boîte.

« Monsieur, allez-vous encore bien loin avec ce bouquet ? lui demandai-je.

— Jusqu’à Talwig, près d’Hammerfest, et je porte ce bouquet à ma mère : il lui causera une grande joie. Figurez-vous, madame, que ma mère n’a pas vu de roses depuis dix ans ; elle n’est pas Norwégienne, elle est Anglaise ; pauvre mère ! Comme ce petit bouquet va l’émouvoir profondément, en lui rappelant son beau pays, où il fait chaud, où il y a des rosiers en pleine terre ! »

Pour un Norwégien, l’Angleterre c’est le sud.

« Mais il est bien difficile de conserver toute une semaine des fleurs coupées : n’auriez-vous pas mieux fait d’acheter à Drontheim, pour madame votre mère, un rosier vivant dans un pot ? Elle en eût joui plus longtemps. »

Le pauvre garçon rougit à ma question et ne ré-