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AU SPITZBERG.

pondit pas. Je n’avais pas réfléchi, la faisant, au prix énorme d’un rosier à Drontheim : l’acquisition en eût été au-dessus de ses moyens, et il n’osait pas l’avouer.

Faute de pouvoir observer dans les cabines les élégantes d’outre-cercle polaire, sans cesse absorbées dans le mal de mer, je m’intéressai à une jeune fille qui, comme moi, restait toujours sur le pont. C’était une jeune paysanne de dix-huit ans environ, d’apparence pauvre, mais propre ; elle avait de magnifiques cheveux blond clair, très-bouffants, qu’elle refoulait sans cesse avec une certaine grâce sauvage sous un petit béguin de soie noire. Elle s’était embarquée seule ; elle allait à Hammerfest pour y être servante chez un négociant. Dès le premier jour, la pauvre enfant souffrit horriblement du mal de mer ; la cabine des secondes places était repoussante, elle préféra rester sur le pont ; elle était là isolée, pauvre, souffrante, timide ; personne ne faisait attention à elle, hors un grand jeune homme vêtu comme un marchand aisé, qui se promenait tout le jour de long en large en fumant, et qui lui jetait de temps en temps un regard de pitié sympathique. Pendant le coup de vent des Loffoden, la petite étant extrêmement malade, le grand garçon se décida et se mit à la soigner de son mieux. Je ne pus suivre tous les développements de cette idylle maritime ; mais quelques jours après notre quasi-tempête, j’en connus le dénoûment. Je vis le couple du jeune marchand et de la petite servante s’entretenir, tendrement appuyés l’un sur l’autre et se souriant d’un air heureux, le tout à la plus grande gloire de la morale : ils