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VOYAGE D’UNE FEMME

étaient fiancés ; ils avaient échangé leurs anneaux d’argent ; aussitôt arrivés à Hammerfest, un prêtre devait bénir leur union. Ainsi, partis étrangers l’un à l’autre, ils arrivèrent époux, et cela en huit jours ! Il est impossible de mieux mener les choses, même dans un vaudeville. J’ai emporté la meilleure opinion de ce brave garçon pour qui une femme en proie au mal de mer avait pu être séduisante ; j’ai vu là la révélation d’un bon cœur.

En approchant de Tromsoë (prononcez Tromseu), les écueils deviennent si nombreux et si pressés qu’on pourrait les prendre pour des troupeaux de monstres marins dont on entrevoit à fleur d’eau les écailles rugueuses ; en revanche, la côte s’adoucit un peu ; ses montagnes s’abaissent, les crevasses se comblent et permettent à de petits bouquets de bouleaux d’y jeter leurs racines ; les mousses sont plus variées ; le paysage est encore triste, il n’est plus désolé.

Tromsoë est la seule ville qu’on trouve sur la côte, outre Drontheim et Hammerfest ; elle est située vers le 69° de latitude nord. Elle remonte à une assez haute antiquité ; dès le treizième siècle, son port sûr et profond était le lieu de ralliement de tous les pêcheurs de morues et de baleines. Pendant le seizième siècle, Tromsoë jouit d’une prospérité commerciale presque entièrement évanouie aujourd’hui, et qui lui a été enlevée par Hammerfest, ville plus moderne et entrepôt actuel de tout le commerce de la Norwége avec la Russie. Je me sers du mot ville, et je crains bien que cette expression ne vous donne la plus fausse idée des lieux dont je parle ; ce sont