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AU SPITZBERG.

Hammerfest a la forme d’un croissant ; les maisons sont groupées dans le petit espace laissé libre entre les montagnes et la mer ; ces montagnes hautes, noires, infranchissables, lui interdisent de s’étendre plus loin. Chaque année, à l’époque du dégel, des quartiers de roc se détachent des montagnes et viennent rouler au milieu des maisons ; les habitants d’Hammerfest se sont accoutumés à ce danger inévitable et ne s’en inquiètent pas ; lorsqu’ils entendent des craquements dans la neige, ils se retirent vers le port, et, quand la terrible avalanche est tombée, ils retournent vers leur logis, si toutefois le logis n’est pas écrasé. Hammerfest compte à peu près cinq cents habitants et se compose d’environ soixante maisons de bois, barbouillées d’ocre, parmi lesquelles une douzaine au plus sont habitables ; les autres sont de chétives cabanes construites par les Norwégiens pauvres, ou des huttes où s’abritent les Lapons côtiers. Les édifices sont quatre maisons à deux étages, peintes en blanc, ornées de filets verts et bleus, précisément comme les assiettes des petits restaurants. C’est là que respire l’aristocratie du pays ; aristocratie marchande, comme vous pensez bien ; car la seule rage du commerce peut engager les hommes riches à résider dans un lieu aussi affreusement misérable.

Un certain négociant d’Hammerfest, un nommé M. A., qui a eu l’art de pêcher dans l’huile de baleine une fortune d’un million, et qui a l’ineptie de ne pas aller la dépenser ailleurs, possède même un jardin ; il y a quelques jours on m’offrit de me le montrer ; j’acceptai. On me fit entrer dans un enclos de quinze mètres d’étendue, où de petits comparti-