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VOYAGE D’UNE FEMME

voyage. Je m’étais établie tant bien que mal, et mon premier soin avait été de me mettre à écrire à ma mère ; ma lettre finie, me sentant fatiguée, je me préoccupai de mon installation pour la nuit. J’appelai mon domestique.

« François, quelle heure est-il ?

— Madame, il est minuit et quart.

— Comment, minuit ! il fait grand jour ; vous vous trompez, il n’est pas minuit. »

Alors François, avec la gravité d’un homme qui a la raison de son côté, alla me chercher le chronomètre, et, le plaçant devant moi :

« Madame peut voir, » dit-il.

Le chronomètre marquait minuit dix-sept minutes.

« À quelle heure se couche donc le soleil ici ? demandai-je alors à François ; vous êtes déjà venu à Hammerfest l’an dernier, vous devez le savoir.

— Mais, madame, il ne se couche pas du tout en cette saison.

— Et combien de temps cela dure-t-il ?

— Depuis la mi-juin jusqu’à la fin d’août. »

Je sortis pour voir cet étrange soleil de minuit ; le temps était bas, triste, couvert, mais on y voyait parfaitement aussi clair que dans la journée. Pendant ma traversée, j’avais oublié d’observer la longueur croissante des jours ; chaque soir j’allais me reposer durant quelques heures, et j’avais ainsi atteint, sans m’en apercevoir, cette région du globe où l’obscurité ne parait pas au ciel pendant toute une saison.

Hammerfest est la seule ville où il y ait véritablement trois mois de jour et trois mois de nuit.