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VOYAGE D’UNE FEMME

sa verve méridionale et pittoresque, le naufrage de l’Uranie aux îles Malouines ; il se plaisait à nous retracer dans sa narration toutes les preuves de courage et de sang-froid données dans cette circonstance par madame Freycinet, qui accompagnait son mari, commandant de l’Uranie.

Quand il eut fini, quelqu’un dit : « Pauvre femme, elle a dû avoir beaucoup à souffrir !

— Vous la plaignez ? m’écriai-je ; moi, je l’envie ! »

M. Gaimard me regarda.

« Parlez-vous sérieusement, Madame ?

— Très-sérieusement.

— Vous aimeriez à faire le tour du monde ?

— C’est mon rêve.

— Et faire plus ? »

Je ne compris pas ; je crus que M. Gaimard faisait une plaisanterie.

« Plus, oui, reprit-il. On a fait le tour du monde bien des fois ; on n’a pas encore pénétré assez avant sous les latitudes qui avoisinent le pôle, pour savoir si on pourrait par là passer d’Europe en Amérique.

— Eh bien ! vous savez le chemin !

— Non, nous allons le chercher ; je pars dans trois semaines, avec une commission scientifique dont je suis président, pour explorer l’océan Glacial dans les parages du Spitzberg et du Groënland.

— Vous êtes bien heureux !

— Je le serais davantage si cette expédition tentait votre mari, et s’il voulait lui prêter le secours de son talent.

— Je crois que l’on peut lui faire une proposition dans ce sens.