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VOYAGE D’UNE FEMME

et dépenser toute son activité ; dès le mois de septembre, les navires n’arrivent plus ; ceux qui se trouvent dans le port partent les uns après les autres. Les Russes s’en vont les premiers, parce qu’ils retournent chez eux en doublant le cap Nord, où les glaces arrivent de bonne heure, et regagnent Arkhangel par une des côtes les plus dangereuses du monde ; les navires hollandais et anglais partent ensuite. Peu à peu le port devient désert, le ciel s’assombrit, les nuits, d’abord courtes, s’allongent rapidement jusqu’à ce que l’obscurité soit absolue, jusqu’à ce que les nuits de vingt-quatre heures aient remplacé les jours de vingt-quatre heures. Un froid dont nous ne pouvons nous faire une idée, atteignant d’ordinaire trente-cinq degrés au-dessous de zéro, vient accroître l’horreur de ces ténèbres et y ajoute ses souffrances. On ne peut songer sans un sentiment de profonde pitié à la destinée des malheureux condamnés à passer leur vie entière dans de si dures conditions ; mais ce qui paraît incompréhensible, c’est de voir des hommes assez surexcités par la soif d’acquérir pour venir chercher la fortune sur cette terre déshéritée, et pour renoncer par un espoir de lucre au soleil, dont toute joie comme toute fleur a besoin pour éclore.

À la pointe nord du croissant que forme la ville s’élève la seule vaste construction d’Hammerfest ; c’est le temple où ces adorateurs de l’or recueillent leurs richesses, sous la forme assurément la moins tentante que puisse prendre la richesse : celle de l’huile de poisson. Lorsqu’on approche de cette espèce de laboratoire, il s’en exhale une odeur infecte ; si l’on y entre, on est presque suffoqué ; j’y ai pour-