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VOYAGE D’UNE FEMME

cun se proportionne à sa mémoire. L’instruction est à ce degré chez eux, qu’un Lapon instruit jusqu’à l’alphabet correspond chez nous au jeune homme sorti le premier de l’École polytechnique.

Les Lapons ne comprennent rien du grand sens moral de la religion ; ils en observent routinièrement les pratiques, parce que toute ignorance a besoin de superstitions et toute faiblesse d’autorité. Ils ne connaissent des péchés capitaux que la paresse, l’avarice et l’intempérance ; toutes les vertus sont négatives ; leur douceur est mollesse, leur continence froideur, leur probité indifférence ; on ne voit chez eux ni colère, ni luxure, ni envie, mais aussi point de courage, d’imagination, de passion ou d’activité. Ils n’ont aucun développement intellectuel ou industriel et ne cherchent même pas à l’acquérir. Touchant à la civilisation par trois côtés de leurs limites (la Norwége, la Suède, la Russie), ils n’en ont rien emprunté, rien compris, rien désiré ; ils vivent dans leur inertie presque sans besoins, sans jouissances, sans aspirations. C’est au total un peuple misérable et grossier, végétant dans une sorte d’engourdissement moral et physique, et bien fait pour habiter ce bout glacé du monde, d’où toute vie se retire avec le soleil.

J’aurais désiré assister à quelques-unes de leurs cérémonies religieuses ; mais, pendant mon séjour à Hammerfest, je n’ai pu voir qu’un mariage.

L’église d’Hammerfest ressemble autant à une grange qu’à une église : c’est un grand bâtiment en bois peint en gris, insignifiant et froid à l’extérieur, comme toutes les constructions de planches, nu et triste à l’intérieur, comme toutes les églises réfor-