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VOYAGE D’UNE FEMME

— Et si vous ne revenez pas ?

— Vous aurez le plaisir de dire : Je le lui ai bien prédit. »

Je ne pensai plus qu’à mes préparatifs ; je remplis de robes et de chiffons quelques caisses qui furent dirigées sur Copenhague et Stockholm ; je me fis faire des habits d’homme pour être commodément, une fois arrivée en pays perdu, et, au bout des trois semaines dont M. Gaimard avait parlé, nous étions complétement prêts ; il vint nous dire adieu, et fut émerveillé de notre activité. Nous lui avons donné rendez-vous au cap Nord ; la commission scientifique s’y rend par mer ; nous prendrons, nous, la voie de terre : excellente combinaison qui nous permettra de voir beaucoup de pays.

Maintenant, mon cher frère, il n’y a plus ni blâme ni conseils à nous envoyer, nous sommes en route ; je vous écris à bord du bateau à vapeur qui nous mène à Hambourg, et cette lettre est le commencement d’exécution de la promesse que je vous ai faite de vous raconter ce qui m’arrivera et de vous décrire ce que je verrai pendant cette longue pérégrination. La tâche sera rude, je le crains, mais j’espère l’accomplir à force de sincérité. À mon sens, écrire un voyage, c’est faire le portrait des pays qu’on parcourt, et le narrateur n’a pas le droit de les rendre méconnaissables.

L’intérêt de mon récit croîtra à mesure que je m’avancerai sous les latitudes élevées de notre vieille Europe ; arrivée là, j’aurai, à défaut d’autre, le mérite de l’originalité, étant la seule femme qui ait jamais entrepris un semblable voyage.