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AU SPITZBERG.

rayon de soleil ; c’était à peu près le premier que j’eusse aperçu à Hammerfest, et il me rappela tout d’un coup si vivement la France, que mon cœur se gonfla sous une inexprimable émotion. Ce temps rare et admirable me donna l’idée de faire une excursion à pied le long de la côte ouest d’Hammerfest. Je gravis non sans peine les rochers qui défendent la baie de tous côtés ; à chaque instant mon pied se prenait dans une crevasse, ou enfonçait dans de petits talus blanchâtres, mous comme de la laine ; vestiges de la végétation de l’année précédente, petites touffes de plantes saisies par la neige avant de s’être épanouies, pauvres fleurettes enveloppées dans leur linceul avant que le soleil les eût fait vivre !

Après une heure d’une course digne d’une chèvre sauvage, je parvins enfin à un haut plateau d’où l’on domine toute la baie, et je fus amplement dédommagée de mes peines. Le grand voile de brume qui jusqu’à ce jour avait caché l’horizon était enfin déchiré de toutes parts ; les rayons lumineux tombant obliquement sur les toits de gazon d’Hammerfest les faisaient étinceler comme une poignée d’émeraudes jetées sur ce drap noir. En face de moi, les îles Soroë élevaient dans le ciel leurs pics aigus couverts de neige, où se jouaient toutes les couleurs du prisme. Les grands rochers de basalte de la côte étaient couverts d’eiders qui saluaient ce beau temps de leurs cris joyeux. Enfin, au loin, entre les Soroë et la pointe de Hwaloë, j’apercevais la passe du Nord, le chemin du Spitzberg ; les grandes vagues vertes de l’océan Glacial venaient mourir sur la grève avec un bruit solennel et doux, et, en les écoutant, je songeais