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VOYAGE D’UNE FEMME

quatre cent cinquante lieues de mer, le trajet que fait un bateau à vapeur en six jours. Derrière Havesund, il y a toutes les habitations de l’Europe ; devant, il n’y a plus que la mer insondable et les glaces éternelles. Quel lieu pour un penseur ! quelle halte pour un croyant !

Havesund est la demeure d’un riche marchand nommé M. Ullique, lequel passe sa vie à échanger de l’huile de baleine contre de l’eau-de-vie, et des peaux de phoques contre de la farine. Je dis sa vie, je devrais dire son été ; car, dans cet horrible lieu, dès que viennent les nuits et avec elles les froids, la mer se glace, et toutes communications sont forcément interrompues. Pendant les huit ou neuf mois d’hiver, M. Ullique ne peut que se chauffer et supputer ses produits de l’année. Il faut qu’ils soient bien beaux pour être payés si cher !

Havesund n’est pas seulement un point géographique unique, c’est encore un lieu historique.

Un jour de l’été de 1795, un jeune homme du nom de Froberg, accompagné d’un ami qui prenait celui de Muller, débarqua d’un petit vaisseau danois et se fit descendre sur la côte près d’Alten ; de là il continua sa route à cheval jusqu’à Hammerfest, où un bateau le prit et le conduisit à Havesund. Arrivés là, les deux amis reçurent l’hospitalité du père de M. Ullique, qui les mena lui-même au cap Nord, but de leur longue pérégrination, et ne les laissa partir que comblés des soins les plus affectueux. Quelques années plus tard, le père de M. Ullique apprenait que ce jeune étranger, dont la distinction et l’instruction lui avaient laissé un sou-