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AU SPITZBERG.

Voici comment je découvris la bête :

En visitant la maison avec les jeunes filles, j’aperçus une cage enveloppée de laine, garantie des courants d’air par un petit paravent de bois et posée près d’un poêle tiède. Dans un coin de la cage se tenait de l’air le plus piteux et le plus désolé un volatile suspect ; les pattes recroquevillées et goutteuses, le bec écaillé et pâle, les plumes ébouriffées et pendantes, le tout revêtu d’une couleur si douteuse et si improbable que je ne pus pas éclaircir si c’était du vert devenu grisâtre ou du gris devenu verdâtre. Quels que fussent les ravages produits par le climat du cap Nord sur l’oiseau, il vivait. Au bruit de ma voix, il tourna vers moi sa petite tête chauve, me regarda de son oeil rond, terne et triste, et rentra dans son immobilité. L’inspection attentive de ces vestiges m’avait démontré qu’ils appartenaient à un perroquet.

« Parle-t-il ? demandai-je à l’aînée des demoiselles Ullique, qui comprenait un peu l’anglais.

— Non, madame, il n’a jamais fait entendre aucun son depuis dix ans ; seulement il fait un petit bruit souvent en éternuant.

— Et comment vit-il ?

— Il mange peu et dort presque toujours ; il ne s’éveille tout à fait que lorsque le soleil brille.

— Le soleil brille donc de temps en temps à Havesund ?

— Ah ! madame, cinq ou six fois par an tout au plus !… »

Du haut des rochers d’Havesund on aperçoit à peu de distance, à la pointe de l’ile Mageroë, une