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VOYAGE D’UNE FEMME AU SPITZBERG.

des géants ; ses formidables rochers, minés sans cesse par les flots, ont contracté des formes tout à fait monumentales ; vers la pointe nord, quelques-uns de ces grands rochers, percés de part en part, s’avancent dans la mer comme les arches immenses de quelque pont antédiluvien, que l’Océan polaire avec ses béliers de glace a pu seul parvenir à rompre. Non loin du pont, on voit un cirque entouré de gradins parfaitement réguliers. Au moment où je contemplais cette architecture, œuvre de la furie des vagues, des myriades de gros oiseaux de mer, posés sur les gradins du cirque, complétaient l’illusion et ressemblaient à des spectateurs pressés les uns contre les autres.

Les oiseaux de mer sont en quantités innombrables dans ces parages ; mouettes, pétrels, stercoraires, goélands, eiders, guillemots, et tant d’autres dont j’ignore les noms, voltigeaient par bandes autour de la corvette. Sur les rochers de Beeren-Eiland, on tua plusieurs de ces oies sauvages qu’on nomme, je crois, bernaches[1].

Ces bernaches sont les mêmes oiseaux que les rot-gansen de Hollande ; elles arrivent par bandes chaque année sur les côtes du Zuyderzée, où les accueillent fort bien, je devrais plutôt dire fort mal, les marchands de plumes pour literie. Une superstition populaire, assez accréditée, prétend que ces oiseaux déposent leurs œufs dans le creux de certains arbres et les abandonnent ensuite, laissant au soleil le soin de les faire éclore. Pour donner à ce conte la plus

  1. Bernaches, Anas leucopsis.