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VOYAGE D’UNE FEMME

dans la boue ; l’odorat y est offensé par les âcres émanations des détritus de toutes sortes. Quel contraste avec ce marché hollandais, propre, riant, joyeux, à l’aise sur son grand canal, ombragé de beaux arbres et bordé de quais spacieux ! Ceci suffit pour expliquer pourquoi les maîtresses de maisons s’abstiennent à Paris de surveiller leur cuisinière au marché, tandis qu’à la Haye elle les accompagnent presque toujours.

Pendant tout un jour, je suis restée enfermée dans les musées. Que dire ? C’est un encombrement de trésors et de chefs-d’œuvre. Les trésors sont dans le musée chinois, les chefs-d’œuvre dans le musée hollandais ; on sort de là avec des éblouissements.

J’ai passé deux heures en Chine et une heure au Japon. Que personne ne s’avise de me soutenir qu’il connaît mieux que moi ces deux pays : j’y ai été. Je dirai comment se croisent les rues de Pékin ; comment sont bâties les maisons ; quels dessins courent sur les murs de porcelaine ; combien d’étages ont les pagodes ; quels costumes portent les femmes ; quels cordonniers-joailliers fabriquent leurs souliers extravagants de petitesse ; de quelles épingles longues comme des quenouilles elles chargent leur tête ; la couleur des colibris dont elles se coiffent les jours de fête ; comment sont faites les fleurs là-bas, et à quels fruits elles ressemblent ; combien sont gros les légumes, et de quelles bêtes ils ont l’air : je sais tout enfin. J’irais, non, je veux dire je retournerais en Chine demain, j’y serais comme chez moi.

Pour parler sérieusement, on s’épargne huit mois