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AU SPITZBERG.

passe à s’habiller, à se promener au parc, ou bien à se tenir assises, près de leur fenêtre, avec une broderie, en s’interrompant fréquemment pour jeter un regard sur un petit miroir attaché à une branche de fer mouvante, placée à l’extérieur de la maison. D’après la façon dont il est incliné, ce curieux petit meuble, ou ce petit meuble curieux, réfléchit toutes les personnes qui passent dans la rue. On nomme cela un espion, et le mot est très-juste ; car ce morceau de glace, que l’œil du piéton sans méfiance aperçoit à peine, est d’une perfidie, ou plutôt d’une fidélité affreuse, pour rapporter ses moindres gestes.

Les rues de la Haye sont solitaires, presque désertes : le seul lieu vraiment animé de la ville, c’est le grand canal à l’heure du marché. On voit arriver de longs bateaux chargés de fruits, de légumes, d’œufs, de volailles et de beaux poissons qui brillent, s’agitent et sautent encore dans les filets où ils ont été pris ; les mariniers assis à l’avant fument gravement, et de toutes les maisons sortent les actives ménagères qui vont à bord des bateaux faire la provision. Ces femmes aux membres robustes, aux joues fraîches, au costume pittoresque, qui vont, viennent, babillent, achètent, s’appellent en passant d’un bateau à l’autre, donnent à cet ensemble une vie et un éclat que je ne saurais décrire. Sans doute, notre marché de la halle à Paris est plus considérable ; la foule y est plus grande, les denrées, plus abondantes ; mais l’effet produit aux yeux est complétement différent. À Paris, le marché se tient sur un emplacement entouré de maisons hautes et noires ; c’est un lieu bruyant, sale, impraticable, nauséabond ; le pied y trébuche