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AU SPITZBERG.

voyageur une impression double : l’effet physique et l’effet optique, si je puis m’exprimer ainsi. On s’aperçoit tout naturellement que le temps s’est subitement refroidi ou réchauffé ; mais, en outre, on est tout étonné de passer sans transition d’un jour sombre à un jour clair, et vice versâ. Lorsque, pendant notre traversée, le soleil, en se montrant, dissipait un moment la brume et la neige qui nous entouraient habituellement, il me semblait sortir d’un cauchemar affreux pour me retrouver dans la douce atmosphère des climats tempérés.

Le 22, le vent se reprit à souffler avec une nouvelle force, et, quoiqu’il servît notre marche, nous en fûmes fort incommodés ; le 24, nous étions en vue du cap Nord, mais il n’était pas possible d’essayer de s’approcher de terre par un pareil temps : nous eussions été infailliblement brisés sur les rochers de l’île Mageroë. Il fallut se tenir au large et attendre. Le 25, pour la première fois, la nuit eut environ une heure de complète obscurité. Enfin, le 26 au matin, le vent tomba, l’aube nous montra une mer blanche comme une plaine d’écume ; on déploya de nouveau les voiles, et en quelques heures nous gagnâmes le port d’Hammerfest.

Ô triste plage, collines nues et stériles, pauvres masures, misérables habitants ! avec quelle inexprimable émotion je vous revis ! J’étais de retour, j’étais sauvée, je me sentais fière et ravie. Si vous aviez pu me voir alors, vous m’eussiez trouvée bien pâle et bien maigrie, mais vous auriez eu, j’espère, quelque considération pour une femme ayant fait un voyage que nulle n’avait entrepris en-