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VOYAGE D’UNE FEMME

plusieurs avaries ; notre poulaine fut enfoncée, malgré son armature de fer ; les vagues submergèrent le pont ; les baies et les cordages flottaient de toutes parts comme sur une petite mer ; on ferma les écoutilles, on cargua toutes les voiles et on laissa faire le coup de vent. À chaque instant nous éprouvions des secousses terribles, et le capitaine dut faire tendre des cordes sur le pont pour aider chacun ; on s’y accrochait, car il était impossible de se tenir debout. J’eus le mal de mer de façon lamentable ; je ne quittai pourtant pas le pont, ne voulant pas perdre cette occasion de voir un vrai gros temps de l’océan Polaire. Bien empaquetée dans mon caban, montée sur un canon, cramponnée au bastingage pendant toute la journée, je regardai. Les vagues étaient hautes, minces et transparentes, au point qu’on apercevait le ciel à travers chacune d’elles comme à travers un miroir trouble ; une écume légère s’agitait au-dessus de chaque vague comme un panache blanc ; toutes ces grandes vagues se précipitaient les unes sur les autres avec une fureur inouïe et faisaient un bruit étourdissant ; je n’avais jamais vu la mer ainsi, et je la trouvai si belle que j’oubliai d’en avoir peur. Cet ouragan avait considérablement refroidi l’atmosphère, et, le soir de ce jour, le froid m’obligea à me tenir dans ma chambre entre mes peaux de renne et mon édredon. Ce froid ne dura heureusement pas ; le lendemain il s’était changé en brouillard épais. Les variations de température dans les régions polaires sont fréquentes et brusques ; du matin au soir, d’une heure à l’autre quelquefois, le thermomètre varie de dix et même de quinze degrés ; cela produit sur le