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AU SPITZBERG.

nant le thé entre de jeunes miss décolletées et quelques hommes vêtus d’habits irréprochables, nous eûmes grand peine à nous croire encore au bord de cet océan Glacial qui venait de nous offrir des aspects si terribles et si désolés. Dès qu’on passe le seuil de la maison anglaise, l’illusion se détruit bien vite, et les 70° de latitude nord se montrent écrits partout.

Kaafiord compte aujourd’hui plus de mille habitants, ouvriers compris, bien entendu ; la plupart de ses mineurs sont anglais et suédois ; ils se sont adjoint cependant dans ces dernières années des paysans du Finmark et même quelques Lapons, qui ont préféré le salaire assuré de l’ouvrier aux profits incertains du pêcheur. Toute la petite colonie vit dans une aisance et dans un bien-être relatifs, comparés à la misérable existence de leurs voisins ; aussi les enfants ont-ils, à Kaafiord, un visage de bonne santé que je n’étais plus habituée à rencontrer.

Le lendemain de mon arrivée, on me fit les honneurs des mines, on me les fit même trop bien ; car mon cicerone, M. Crowe fils, en vrai propriétaire, ne me fit pas grâce d’un caillou.

Quoique l’exploitation des mines de Kaafiord soit commencée depuis plusieurs années, elle est encore très-incomplète ; les galeries sont nombreuses, mais toutes basses et humides ; en les parcourant, on a souvent de l’eau jusqu’à la cheville ; les murailles suintent incessamment, et on reçoit sur la tête des gouttes d’eau glacée ; pour moi, le pis n’était pas cela, mais l’épaisse vapeur sulfureuse répandue dans les souterrains ; j’en étais à demi suffoquée, et elle m’em-