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VOYAGE D’UNE FEMME AU SPITZBERG.

zon : aucun bruit dans l’air autre que la voix de la cascade ou le léger bruissement des feuilles, et, au-dessous de tout cela, le dôme gris du ciel du Nord laissant tomber sur toutes choses sa lumière voilée et mélancolique.

C’était autre chose que ces solitudes embaumées de l’Amérique du Sud, exubérantes de séve et de soleil : c’était un coin vierge et inconnu de notre vieille Europe, une oasis douce et charmante placée par Dieu au milieu des déserts glacés, comme il en a mis au milieu des déserts torrides. À quelques lieues plus au sud, on ne trouve pas un arbre : à quelques lieues plus au nord, on ne trouve plus une plante.

Le mobilier de la maison du guide était très-primitif : un tronc d’arbre servait de table, deux ou trois escabeaux étaient les siéges ; quant au lit, on avait le plancher. Après avoir soupé d’une tasse de lait de chèvre, je m’étendis par terre sur ma peau de renne, à peu de distance d’un feu de sapin déjà très-nécessaire, et je m’endormis d’un sommeil de sauvage.

Le lendemain, de grand matin, tout notre monde était sur pied. Notre troupe se composait de dix personnes : trois étaient à cheval, je vous l’ai dit, les sept autres allaient à pied : c’était d’abord notre guide Abo le Lapon, chef absolu de la caravane, puis les trois hommes conducteurs des chevaux, un interprète finlandais (notre domestique ne sachant parler que le norwégien), enfin deux jeunes garçons du Finmark qui avaient demandé la faveur de se joindre à nous pour passer en Russie.