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VOYAGE D’UNE FEMME

ouvriers qui composent de pareils dessins sont plus artistes que beaucoup d’artistes que je sais. En dernier lieu, ma curiosité a été occupée et amusée par une grande armoire recouverte d’écaille et incrustée d’argent, d’un travail remarquablement précieux ; cette armoire ouverte se trouva contenir une maison japonaise, mais une véritable et complète habitation, avec tous ses meubles et tous ses ustensiles, soignés comme s’ils étaient de grandeur naturelle. Un seul détail donne idée du reste : il y a dans la maison une bibliothèque, et les livres qui la composent ont été imprimés exprès. Ce miracle des joujoux avait été commandé par Pierre le Grand pour le musée de Pétersbourg ; j’ignore quelles circonstances l’ont fait rester à la Haye.

Après les richesses de la Chine, j’ai vu celles de la Hollande, les tableaux. Dans de tels musées, pour regarder, pour juger, pour comprendre, il faudrait non un jour, mais une année. J’ai passé avec une rapidité déplorable devant les Gérard Dow, les Metzu, les Terburg les plus ravissants et les plus incontestables. À peine ai-je donné quelques minutes au plus beau Paul Potter qui existe. Il représente un grand taureau pensif, debout près d’une belle vache couchée. C’est une fenêtre ouverte sur une prairie. Cela vaut, dit-on, deux cent mille francs.

Sachant combien j’avais peu de temps, je courais à travers les galeries, cherchant un tableau dont la gravure m’avait vivement frappée : la Leçon d’anatomie, de Rembrandt. Quand je me suis trouvée devant ce chef-d’œuvre du plus puissant des maîtres