Page:Aunet - Voyage d’une femme au Spitzberg, 1872.pdf/25

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
13
AU SPITZBERG.

de la couleur, mon admiration s’est élevée jusqu’à l’émotion. Le sujet est sévère et rendu avec une rare simplicité : le maître, debout, en face du cadavre étendu sur une table, fait une démonstration ; ses élèves l’écoutent avec un intérêt qui se lit sur leurs physionomies intelligentes et calmes. La tête du médecin est vivante et inspirée, on regarde, on s’arrête, on attend sa parole, comme ces graves étudiants vêtus de noir qui l’entourent ; la scène est éclairée par cette lumière mystérieuse et chaude à la fois, dont ce maître immortel a seul eu le secret.

En quittant le musée, j’ai traversé ce beau parc qu’on appelle le bois de la Haye ; des merveilles de l’homme je suis passée aux merveilles du bon Dieu ; en tous temps ce bois paraît une magnifique promenade, mais au mois de mai c’est un immense bouquet ; le bord des chemins est couvert de violettes, de perce-neige, de primevères ; tous les buissons sont roses ou blancs ; les boules de neige, l’aubépine, éclatent de toutes parts : rien de plus frais, de plus gai, de plus embaumé ! De temps en temps, les premiers plans étaient gâtés par les toilettes de quelques ultra-élégantes de la ville ; ces dames, ayant voulu être trop Parisiennes, avaient réussi à être assez bizarres. Elles étaient vêtues à la mode de la saison prochaine, chose fatale, menaçant toute étrangère esclave de certains journaux, qui ont plutôt pour habitude de prédire les modes que de les indiquer.

Le soir même de ce jour, je quittai la Haye dans une grande voiture jaune, si haut montée sur ses roues que son marchepied était presque un escalier.