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VOYAGE D’UNE FEMME

ce jour-là, et le guide me refusa une halte. J’ai donc dû me borner à tenter de discerner leurs espèces tant bien que mal ; mais ma botanique a la vue courte, et sans doute bien des choses m’ont échappé. Mon observation superficielle me montra les fougères de grande taille et les hautes touffes de l’angélique comme étant partout en majorité, puis des plantes plus délicates : la campanule uniflore, des draves de plusieurs espèces, l’andromède bleue, la saxifrage penchée, la stellaire, et quelques autres plantes dont j’ignore les noms. Je ne dis rien des lichens abondants et variés là comme dans tout le Finmark. Toute cette couche de végétation vivante et fraîche reposait sur la couche flétrie de l’année précédente, et celle-ci s’était affaissée à son tour sur les plantes qui l’avaient devancée. En fouillant avec un bâton ferré, on distinguait jusqu’à une grande profondeur les traces de ces générations de plantes. C’était comme une sorte de cimetière végétal où les vivants vivaient sur les morts, comme cela se passe sur nos étroits espaces civilisés, cimetières humains :

Abîme ou la poussière est mêlée aux poussières,
Où sous son père encore on retrouve des pères,
Comme l’onde sous l’onde en une mer sans fond

La forêt traversée, nous avons franchi la rivière de Kaafford. Notre guide lapon Abo (Abraham), après avoir sonde çà et là avec soin, indiqua l’endroit où le gué était bon ; les chevaux eurent néanmoins de l’eau jusqu’au poitrail. Cette rivière est plus dangereuse par sa rapidité que par sa profondeur. Sur la