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AU SPITZBERG.

naient plus nombreux, et bientôt nous fûmes dans une véritable forêt : je n’en pouvais croire mes yeux ; une forêt à une journée de marche de Kaafiord ! Je regardais de vigoureux bouleaux renversés à coups de hache par nos hommes pour nous frayer un passage, et je me demandais si j’avais été subitement transportée des côtes arides du Finmark dans quelque beau lieu de l’intérieur de la Suède. Ces quelques kilomètres boisés sont, je crois, un coin unique du Finmark septentrional : les arbres y atteignent à des hauteurs inusitées ; ils y ont un aspect de verdure et de vigueur qu’on ne retrouve plus ailleurs. Nos chevaux semblaient aussi étonnés que nous de cette nouveauté ; par moments, leur étonnement se changeait en frayeur à la vue des grands branchages embarrassant leur route ; sous cette impression, ils se mettaient à courir comme des fous à travers les obstacles, malgré les racines à fleur de terre et les taillis de broussailles dans lesquels ils s’embarrassaient les jambes. Je ne suis pas assez bonne écuyère pour maintenir un cheval effrayé : j’employais toute ma science à ne pas tomber, et je mettais mon adresse à garantir mes yeux mis fort en péril dans ces courses désordonnées. Je crois pouvoir assurer que La Marche et Chantilly ont vu peu de steeple-chases plus dangereux que celui-là.

Au bout d’une heure, l’habitude du danger ou la fatigue de nos montures nous avait procuré des allures plus paisibles ; j’aurais alors désiré prendre le temps d’herboriser un peu au milieu des plantes vivaces et touffues dont nous étions entourés. Malheureusement nous devions faire une longue étape