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VOYAGE D’UNE FEMME

Je dormis ainsi deux heures, et, quoique je me trouvasse bien reposée, au réveil je regrettai de n’avoir pas écouté les avis de nos guides : les moustiques avaient profité de mon immobilité pour me faire de cruelles blessures : j’avais le visage enflé et meurtri à faire peur ; ce fut ainsi que la vraie Laponie me paya ma bienvenue sur son territoire marécageux. Les moustiques, cette plaie des pays chauds, sont aussi le fléau des contrées humides ; en Laponie on en voit des nuages, et leur compagnie nous fit tant souffrir, que nous accueillîmes par la suite avec joie le premier jour de froid qui nous en débarrassa.

Il pleuvait, je vous l’ai dit, quand nous fûmes au sommet du Komiovara ; si le temps eût été clair, j’aurais découvert de ce point élevé tout le pays environnant, j’aurais vu Kaafiord, Alten, Reipass, où se trouvent des mines encore plus riches que celles de Kaafiord, le cours de la rivière à plusieurs lieues de distance, et même la grande mer dans le lointain. Je ne vis rien ; un brouillard intense comblait toutes les vallées et interposait sa masse trouble entre l’horizon et nous.

Malgré la tristesse du ciel, il fallut prolonger la halte assez de temps pour reposer les chevaux ; avant de les recharger, on déjeuna ; nos guides, sobres comme des Norwégiens, tirèrent de leurs sacs du pain d’orge et du beurre salé ; le Lapon Abo mangea avec ses doigts je ne sais quel étrange mélange qu’il portait renfermé dans une petite boîte de bois, et François nous fit une soupe au biscuit de mer et au jus de viande conservé, dont l’odeur me