Page:Aunet - Voyage d’une femme au Spitzberg, 1872.pdf/246

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
234
VOYAGE D’UNE FEMME

lement un bâton de commandement, et dans la brume épaisse le feu de sa pipe était la chétive étoile qui attirait tous les yeux. Il était l’arbitre de notre destinée. Que fussions-nous devenus sans lui dans ces insondables marais, au milieu desquels on n’a pour se diriger que la boussole ! Le Lapon, lui, a des points de repère dans la forme des montagnes, dans la situation des lacs, dans le cours des rivières, et cependant il se trompe encore de direction s’il n’a pas fait souvent ce long voyage.

Abo avait avec lui son chien, une agile bête, à demi sauvage aussi, qui, dans les moments difficiles, ajoutait son instinct à l’intelligence de son maître pour lui donner souvent de bonnes indications. Le chien d’Abo, de pure race laponne, était noir et de taille ordinaire, avec les signes distinctifs de son espèce : la fourrure d’un ours et la tête fine d’un renard. Dans les moments où la caravane avançait sans trop d’encombres, le chien prenait des vacances et faisait une chasse acharnée à une sorte de petits rats sans queue nommés par les Norwégiens comme par les Anglais, lemmings. À de certaines années, ces petits animaux apparaissent en Laponie en quantités innombrables, on en trouve dans les moindres trous ; ils sont par bandes, dans toutes les plaines, sous toutes les pierres. Ils sont roux et noirs, et ont beaucoup d’analogie avec le hamster, dont la peau sert à doubler les manteaux. Les lemmings sont de la race des rongeurs, et de plus, méchants et effrontés d’une façon surprenante ; le chien qui les tue ne les fait pas fuir, et j’en ai vu s’attaquer à nos chevaux. Ceux-ci les écrasaient sans même les voir, et, dans leur pla-