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VOYAGE D’UNE FEMME

expliqueront-ils la présence d’une arme espagnole du quatorzième siècle au fond de la Laponie ? Les suppositions les plus étranges viendront sans doute à leur esprit avant la véritable, qui n’est déjà pas toute simple.

Le reste de cette journée, nous fûmes sans cesse dans une plaine pierreuse coupée seulement de larges crevasses où s’étaient formés des bourbiers impraticables. On voyait nos pauvres chevaux poser leurs pieds avec hésitation sur de petits monticules de terre apparaissant à la surface du marais, et enfoncer jusqu’au cou dans une vase épaisse. Alors le cavalier s’empressait de vider la selle, et, si par malheur le cheval était chargé de bagage, les hommes s’entraidaient pour le tirer d’affaire ; on se mettait quatre ou cinq après lui, et on le tirait qui par la tête, qui par la queue, jusqu’à ce qu’il fut hors de danger. Ce pénible incident s’étant fort renouvelé pendant cette journée, et la pluie, la détestable pluie, n’ayant pas cessé, le soir tout le monde était harassé ; on arracha et on alluma quelques broussailles de bouleau, mais ce triste combustible nous donna plus de fumée que de chaleur ; alors on dressa la tente et on se coucha sur la terre détrempée sans essayer de sécher ses vêtements. Nos peaux de rennes de cette couchée ne valaient pas les traîneaux de la veille ; l’immersion dans les marais les avait singulièrement rafraîchies ; mais tout est aux voyageurs couchette et matelas. La fatigue aidant, on dormit quand même.

Le lendemain, de grand matin, nous étions en route. Le ciel, chargé de grandes nuées blanches semblables à des écharpes, semblait nous présager