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VOYAGE D’UNE FEMME

autant de magasins où les Lapons renferment leur foin, leurs provisions et leurs vêtements ; la plupart appartiennent à des Lapons nomades et sont le lieu de dépôt où ils viennent chercher ce qui leur est nécessaire au fur et à mesure de leurs besoins.

Était-ce par comparaison ? l’aspect de Kautokeino me ravit ; du point où il m’apparaissait, il était vraiment agreste : je voyais d’abord au sommet d’une colline l’église, dont la masse rouge se détachait harmonieusement sur le gris clair du ciel ; à mi-coteau les maisons, dispersées, coiffées de leur capuchon de chaume vert, élevées sur leurs piliers de troncs d’arbres, avaient l’air de ruches d’abeilles ; plus bas, de longues perches plantées en terre soutenaient des claies où séchait le foin de la récolte ; puis, sur l’herbe, au bord de l’eau, de petits enfants jouaient parmi les jeunes rennes, faisant assaut avec eux d’adresse et de gaieté ; le fleuve, formant un large circuit, faisait à ce tableau frais et calme une bordure d’argent mobile ; c’était charmant ; je m’arrêtai quelques minutes pour le contempler ; je retrouvais enfin un lieu habité ; je sentais l’odeur pénétrante du foin, je voyais la fumée s’échappant en spirales des toits hospitaliers, j’entendais de joyeux cris d’enfants, mon cœur se remplit d’une inexprimable émotion ; il me semblait aborder après un naufrage !… et, si l’on m’avait condamnée à passer ma vie en ce lieu qui me remplissait d’enchantements, je serais morte de désespoir. Je vous l’ai déjà dit : tout est comparaison !

Tandis qu’on déchargeait nos chevaux et qu’on ouvrait nos paquets, nous fûmes entourés de tous les