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VOYAGE D’UNE FEMME

grâce de l’enfance et de la santé, et ce voisinage faisait ressortir dans toute son horreur la décrépitude de l’habitant du coffre.

À la nuit close, l’hôte et sa femme rentrèrent accompagnés de trois garçons entre huit et quinze ans ; nos guides et nos domestiques vinrent réclamer leur part d’abri ; deux grands chiens, un porc, trois rennes familiers, furent admis aussi, et la chambre se trouva pleine à ne pouvoir faire un mouvement. Je me trouvai fort heureuse au milieu de cette agglomération d’êtres immondes, et n’aurais certes pas donné, cette nuit-là, ma part de plancher et de peau de renne pour beaucoup. Cet aveu peut seul vous faire apprécier mes souffrances de la nuit précédente.

Tandis que je reprenais des forces dans un sommeil réparateur, une aurore boréale parut au ciel : c’était la première de l’année, et les Lapons en conclurent que les jours suivants seraient très-froids. Les aurores boréales apparaissent dès l’automne et durent jusqu’au printemps. Cette longue nuit, qui est l’hiver de la Laponie, est presque toujours éclairée par ces lueurs, et l’horreur de l’obscurité se trouve ainsi un peu adoucie.

Les jours décroissent sous cette latitude avec une rapidité dont vous ne pouvez vous faire idée. Le 12 septembre, nous eûmes onze heures d’obscurité ; le 22 août, nous avions eu le premier quart d’heure de nuit ; depuis ce temps nous avions cependant fait près de cent lieues vers le sud, ce qui devait diminuer la rapidité de la croissance des nuits. Le 12 septembre, au cap Nord, on doit avoir des nuits de quatorze heures.