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VOYAGE D’UNE FEMME

rence de l’avant-coureur de l’aurore. Cette lueur s’élargit peu à peu de façon à occuper une notable partie du ciel. Du point central s’échappaient des gerbes de lumière mobile qui prenaient toute espèce de formes : tantôt pareilles à des langues ardentes, tantôt semblables à des serpents de feu, elles s’enlaçaient de mille façons avec un mouvement lent et continu. Au moment où la clarté devint plus intense, le ciel fut couvert d’innombrables spirales de flammes tordues et diffuses, s’agitant comme des panaches au souffle d’un vent mystérieux !

Phénomène étrange ! l’aurore boréale, à son plus beau moment, n’efface pas l’éclat des étoiles, qui scintillent à travers toutes ces lueurs. La teinte de l’aurore est jaune soufre très-pale ; sa lumière, incertaine et blafarde, luit sans éclairer. C’est un spectre de lumière ; car comment nommer une lumière ne produisant pas de clarté ? L’aurore boréale de Muonioniska dura trois heures. Je restai tout ce temps immobile, attentive, sous cette impression indicible que j’avais déjà éprouvée en présence des glaces flottantes. L’aurore boréale et les glaces polaires sont de ces choses dont la contemplation fait monter l’admiration jusqu’à la stupeur : le spectateur se tait, le narrateur est tenté de jeter sa plume. Qui saurait décrire le degré d’infinie magnificence où peut atteindre la nature de Dieu ?

Muonioniska semble posé au bord d’un lac, tant le fleuve y est large ; l’eau a, pour se répandre, les belles prairies de la plaine, et y reste calme et unie comme un miroir ; mais, à quelques lieues au sud du bourg russe, le pays change d’aspect : le Muonio