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AU SPITZBERG.

bonbons était représenté par des stores de toile à jour, qui pendaient devant les fenêtres : tout cela éblouissant de propreté, frais, coquet, rangé, charmant ! J’étais alors une bien indigne papillotte de ce nid digne de la robe de soie des dragées ; et je le lus dans les regards de ma conductrice ; quel aspect que le mien ce jour-là ! J’étais couverte de poussière ; mon malheureux costume d’homme ne luttait même plus, il s’anéantissait en haillons ; rien de plus dévasté et de plus affreux : en m’apercevant dans une glace, je fus moi-même surprise ; je ne me reconnaissais plus ! J’avais hâte de changer de physionomie ; je fis une longue toilette me plongeai avec délices entre deux beaux draps blancs.

Je restai quarante-huit heures dans ce lit sans pouvoir me décider à en sortir ; j’y serais restée huit jours si j’avais pu ; mais il fallait continuer notre route, et je voulais voir Torneä.

Haparanda, où l’on trouve des chambres si coquettes et de si bons lits, est une petite ville suédoise posée en face de Torneä, à l’embouchure du fleuve de ce nom, qui, comme vous le savez, sépare aujourd’hui la Suède de la Russie ; la Torneä est fort belle et fort large en cet endroit, et le trajet qu’on fait en bateau pour aller d’une ville à l’autre dure plus de vingt minutes. Vues du milieu du fleuve et embrassées ainsi dans leur ensemble, ces deux villes qui se regardent offrent le contraste le plus parfait. Haparanda, avec ses maisons bariolées, entourées de parterres, ses toits rouges, ses fenêtres ouvertes en dehors, où le soleil vient gaiement briser ses rayons, est comme un collier de verroteries